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bleuâtre touchait le poète à la place du cœur. « Elle t’a lâché, hein ? et tu souffres à ton tour, pauvre ami ? » Et comme l’homme, le visage tout à coup empourpré, balbutiait, cherchait une défaite : « À quoi bon t’excuser ? reprenait la voix rauque, ne suis-je point au courant de toutes tes folies ? Ah ! j’ai beau ne pas sortir, n’ai-je point de bonnes amies pour venir me voir et me faire expier un peu mon succès… mes anciens succès… en m’épinglant des nouvelles sur le cœur ? Bah ! j’y suis faite. Alors elle t’a lâché, cette petite Roncerolle pour qui, depuis trois mois, tu hypothèques ton hôtel, et cela pour un cabot, un horrible cabot du théâtre Montparnasse, presqu’un figurant… Un beau garçon comme toi lâché, elle t’a lâché après t’avoir trompé deux mois, et c’est pour cela que tu rôdes ici et là avec ces mains nerveuses et ce visage d’assassin, sans pouvoir tenir en place. Encore un peu, tu pleurerais. Avoue que cela fait mal ? As-tu songé parfois au mal que tu m’as fait ? Pour un cabot de Montparnasse ! et elle appuyait savamment sur les mots. Et pas même bien de sa personne, m’a-t-on dit, mais il a vingt-trois ans et tu en as quarante. Comme le pré-