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tage, l’aimant au point d’être heureuse d’en souffrir. Cependant, ce jour-là, comme une fièvre de joie, de secrète revanche flambait dans le regard attristé de l’actrice, il y avait un sourire dans les yeux dont elle suivait la promenade inquiète de son amant, silencieux et sombre, le front buté vers le tapis ; tout à coup elle s’étirait sous ses fourrures blanches, ses longues mains de cire portaient à son visage une gerbe d’anémones du Japon, posées sur ses genoux. « Vous souffrez, mon ami », sa voix rauque, un peu lasse, venait de rompre le silence.

— « Mais non, je vous assure, répondait l’homme sans interrompre sa rageuse promenade, c’est vous qui rêvez, comme toujours. » À quoi la malade étouffant un bâillement : « Il y a longtemps que je ne rêve plus », et à un haussement d’épaules de son amant : « Savez-vous qu’il y a des jours où je crois qu’il y a un Dieu ? Et comme il s’était arrêté brusquement : « Venez ici, Raoul », commandait la malade, et de Morfels ayant obéi : « Savez-vous pourquoi je crois aujourd’hui en Dieu ? insistait-elle en le regardant ardemment jusqu’à l’âme, à cause de ceci. » Et son index à l’ongle déjà