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n’en était pas moins son œuvre et son chef-d’œuvre : œuvre de quinze ans de luttes et d’intrigues à laquelle elle s’était attelée corps et âme, mettant en jeu toutes les influences, courant les journaux et les théâtres, tour à tour implorante et coquette auprès de leurs directeurs, réveillant chez ceux-ci d’anciens souvenirs d’alcôve, faisant miroiter chez les autres d’illusoires affaires de réclames et d’argent, et cela pour imposer, pendant quinze années, sur toutes les scènes du boulevard ses drames à lui, le bien-aimé, le favori. Drames exaltés d’ailleurs et débordant d’âme et de vie intense, et dont la malignité parisienne accusait l’actrice de répéter les personnages dans l’intimité d’orageux tête-à-tête avant de les vivre, et Dieu sait avec quelle frénésie de nerfs et de passion ! devant le public amusé des premières et la grosse foule des centièmes intéressée enfin aux racontars.

Car il la trompait, et c’était de cela qu’elle mourait bien plus encore que de sa santé de cabotine compromise presque dès l’enfance et depuis usée dans tant d’aventures et irréparablement surmenée et détruite ! Il la trompait et cela, presque à dater des premiers jours, avec