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Lors de cette rencontre, dont elle devait mourir, Dinah entrait dans sa quarantième année, l’âge ou la femme avertie par les regards moins désirants des hommes sent flamber en elle une d’autant plus inapaisable ardeur, qu’elle en connaît la durée éphémère. Comme la phtisique dont les instants sont comptés, elle apporte dans tout, en amour surtout, une fébrile hâte de sentir et de jouir, et puis c’est un châtiment des courtisanes de ne connaître la tendresse amoureuse que tard dans la vie et d’adorer à quarante ans, avec des dévouements et des délicatesses presque maternelles, de beaux gars indifférents, qui les trompent avec leurs filles de chambre et renouvellent ainsi l’éternelle et sanglante trahison des sexes vis-à-vis l’un de l’autre, l’éternelle agonie d’une âme par une âme qu’on appelle l’amour.

Telle qu’elle était aujourd’hui, étendue dans son long peignoir de peluche blanche et roulée dans ses peaux d’ours blancs, sa tête d’une pâleur d’ivoire appuyée sur le satin mauve des coussins, telle qu’elle était, mourante et de la tuberculose et d’une affection cancéreuse dans le ventre, la gloire et la fortune de son amant si préoccupé d’on ne sait de quoi auprès d’elle