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Oysette, elle aussi revenue, connue et parvenue, il entrait vite en relations avec les plus riches maquignons et les plus sérieux amateurs de Paris ; huit mois après son retour, il achetait le fonds de Stulbacher, le grand marchand de chevaux du boulevard Haussmann. Aujourd’hui c’est un des premiers fournisseurs de la place, il est sans rival pour les chevaux arabes ; les haras du bey lui expédient tous les ans vingt sujets de premier ordre, vingt élèves incomparables, nés et dressés à Tunis. Très correct d’ailleurs, sa tenue est irréprochable, ses allures plutôt hautaines et sa raideur proverbiale à la moindre allusion effleurant son passé. L’autre hiver, le vieux prince Ydroïsk, ce sadique ou plutôt ce maniaque archi-millionnaire expulsé de Russie par ordre secret du czar, ayant cru pouvoir, au cours d’un souper, plaisanter cet ancien favori du sérail, c’est par un cartel que répondait le bel Invernesteers ; et le vieux prince étant aussi poltron que podagre, c’est son secrétaire le comte Volski qui dut aller sur le terrain et qui, pour son maître, reçut en pleine poitrine de la main du beau Jones un joli coup d’épée, lequel lui fit garder le lit durant six mois ! Invernesteers a donc eu son duel.