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Il fallait bien tromper mes insomnies, calmer mes défaillances, guérir ces terreurs nocturnes où je me sentais lentement m’en aller et mourir ; et le remède à ces transes, à ces troubles, à ces nuits visionnaires et à ces heures de détresse et d’agonie, où l’avais-je trouvé ? Dans l’éther.

Et c’est elle qui m’en parlait. Et plus je la regardais avec son teint nacré et sa pâleur de perle, ses yeux d’une eau sombre et bleutée comme un lac de glaciers, son anatomie à la fois délicate et nerveuse, l’éther, c’était elle-même, l’éther était incarné en elle ; l’éther avait son charme enveloppant et grisant, son ivresse factice qui une minute semble vous faire renaître et revivre et console ; c’était bien une griserie d’éther, immatérielle, quasi-divine que m’apportait sa rencontre, mais, comme l’éther, elle tuait en guérissant !

Un froid m’était tombé sur les épaules, et quand de sa voix chantante la très chère m’eût dit, comme un peu étonnée de mon silence : « Alors, on va pouvoir se revoir ! — Oui, quand tu voudras, répondais-je d’une voix blanche. — Hé bien, dînons ensemble, veux-tu, dis, grand lion (elle me tutoyait aussi, maintenant), et je