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Mais il adore la petite : c’est son luxe et son vice, cette gamine, la seule affection de sa vie de forçat des affaires et de damné de la finance ; et mademoiselle, qui le sait bien, tous les jours, à la même heure, se met sous les armes pour lui tendre son front pur à baiser.

Oh ! des robes de foulard ou de batiste écrue de la simplicité la plus touchante, jamais la même d’ailleurs, pas un soupçon de poudre sur ses joues roses et fermes, pas l’ombre d’un parfum dans ses cheveux d’un beau châtain doré… Meyrand déteste ça : rien qui puisse rappeler au vieux banquier primé au foyer de la danse la femme entretenue, la loge des étoiles, Paris et les coulisses où il est adoré.

Mademoiselle Marthe, elle, sent la fraîcheur du tub, la jeunesse et la santé : sa chair de fille vierge ne connaît ni les fards, ni les subtiles essences, mais laisse aux lèvres comme un goût de framboises, et le frais du feuillage est dans ses doigts légers.

Et ce gros libertin de Meyrand donnera ses millions, son château de Chaville dans l’Oise, de Vaudreuil en Anjou, son chalet de Cabourg et sa villa de Nice et même la galerie de son hôtel de l’avenue Friedland pour une étreinte