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Ces vers exquis de Paul Verlaine, jamais je n’en ai compris la touchante et profonde humanité comme devant cette pauvre petite coiffeuse de banlieue au buste plat, aux cheveux rares, alignant le long des jours d’insipides chiffres aux « Doit et Avoir ». Moitié caissière, à demi-bonne, elle faisait entre temps la cuisine, et ses grosses mains noueuses piquées au bout des doigts, attestaient les longs travaux de couture le soir, à la chandelle, et les durs savonnages les matins, avant l’aube, pour économiser la femme de ménage et, coûte que coûte, faire face aux échéances, équilibrer le budget.

Elle était bien l’âme de la maison, le rouage et l’intelligence de leur petit commerce, si lui en était l’entregent obséquieux, le luxe de parade à l’instar des deux bustes de cire enguirlandés et poudrés de sa montre, l’attraction de la rue, le boniment souple et complimenteur. Oui, elle en était bien l’âme (cette volonté aimante), le cœur et l’intelligence, la pauvre petite femme amoureuse du bellâtre coiffeur.

Or, hier, étant entré me faire raser, je trouvais à leur boutique comme un air inaccoutumé.

Malgré l’ordre apparent des flacons, des