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à tous, excepté cependant à lui, Charles Pileur.

Il était tout jeune alors, vingt-deux ans, à ses débuts dans la capitale, sans grand argent et sans poil au menton ; et puis il avait toujours eu une répugnance à cause de Roberts, l’amant en titre de Nini, un grand Américain qui faisait le portrait et qui, peu délicat, passait pour envoyer volontiers sa maîtresse emprunter de deux à dix louis aux amis que Nini avait obligés… Il les rendait quelquefois, il est vrai, ces louis, et traitait royalement la bande au Rat-Mort et même chez le père Lathuile, quand il parvenait à décrocher dans le quartier de l’Étoile, chez quelques compatriotes lancés, un portrait payant et payé, mais des gens se citaient que Roberts avait toujours oublié de régler.

Il faisait pis parfois, ce grand forban de Roberts ; lors de leur saison à Veules, en phalanstère, dans une maison louée à frais communs auprès des cressonnières, toute la bande une fois là installée, ne s’était-il pas avisé de faire passer Nini pour sa sœur, miss Fanny Roberts, et de la produire sous ce faux nom au casino de Saint-Valéry, où il s’était lié avec des couples bourgeois mariés, décrochant par là la confiance