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depuis Montmartre et l’été de dix-huit cent quatre-vingt-huit à Veules, avec Roberts et la bande Neymours.

Nini Bat-Jour ou le Petit Abat-Jour ; ils l’avaient surnommée ainsi à cause de sa précise et fanfrelucheuse élégance, une façon à elle de s’habiller avec rien, qui la faisait ressembler dans ses robes ébouriffées d’étoffes claires, ses juponnages extravagants de danseuse et ses immenses chapeaux de gaze et de tulle autrefois, aujourd’hui de dentelles, à un délicat et fantasque petit abat-jour, un abat-jour animé, dont son joli corps transparent et menu de fillette anémiée était la douce lueur, laiteuse et scélérate l’éclairage d’amour.

Nini Bat-Jour traînait alors les ateliers de Montmartre, où sa ligne de cou et sa minceur charmante faisaient retenir ses journées à l’avance et monter jusqu’à dix francs l’heure la séance de modèle habillé. Mais la nuit, elle posait l’ensemble.

Elle avait appartenu un peu à tout le monde, cette jolie Nini Bat-Jour, pour ne faire de peine à personne… Pourquoi attrister quelqu’un, ça coûte si peu de se laisser faire et c’est si dur de refuser ; or, elle avait été un peu