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gazouille comme un trille dans le silence bourdonnant de chaleur.

— Mais c’est Charley !

— Mais c’est Nini Bat-Jour.

Oui, c’était elle ; et maintenant qu’ils achevaient de déjeuner tous deux en tête à tête dans la petite salle de la ferme, égayée des gerbes de glaïeuls dans deux gros pots de grès, maintenant que, l’estomac repu et les forces réparées, il l’écoutait parler tout en picorant des prunes un peu fendues, mais juteuses et sucrées à point que la fermière venait d’aller cueillir exprès pour lui dans le potager, une tendresse et un désir le reprenaient à la retrouver si potelée, de chair plus rose et plus grasse, reposée, embellie avec des bras ronds qu’il avait connus pointus aux coudes, des fossettes au menton qu’il ne lui avait jamais vues, et dans ses mains aujourd’hui bien soignées aux ongles taillés en amande, dans ses cheveux dorés et brillants, dans toute sa personne enfin, une odeur, un parfum de femme élégante et raffinée qu’il respirait à pleines narines, et il regardait en dedans du corsage, par l’échancrure de sa robe ouverte, un tas de blancheurs et de roseurs qui s’étaient fort développées aussi