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ravin d’Oran, aujourd’hui tout en cultures, plantations de cactus, d’eucalyptus et de palmiers, au-dessus duquel j’écris haut perché sur mon balcon d’hôtel, dominant à la fois et la ville et la mer.

Sous mes fenêtres s’étend en éventail avec des frondaisons déjà crépusculaires le jardin du mess des officiers : au-dessus, se dresse la haute et fantasque silhouette couleur de minerai du mont de la citadelle : une ancienne citadelle arabe aux murs bas et carrés, avec à côté le frêle campanile de Notre-Dame de Santa-Cruzet, derrière alors, le reste du chaînon du Mers-el-Kebir, à cette heure d’un vert noir, le vert des sapins dont la compagnie des Eaux et Forêts vient de le reboiser.

Derrière les montagnes, l’horizon est d’un jaune paille d’une délicatesse infinie, qui strie de fines lamelles d’or le bleu mauve agonisant du ciel.

Comment ce mauve se fonce-t-il en bleu d’ardoise à l’est ? Mystère. Le ciel vu d’ensemble n’en paraît pas moins d’une unité de tons parfaite, mais déjà la mer et le ciel ne font plus qu’un, trempés de la même ombre humide ; et, de l’autre côté de la rade, les lointaines montagnes