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de filles et de casquettes pontées tassées à la devanture de louches marchands de vin ; çà et là, des « pstt, pstt, j’ai un bon feu chez moi » vous sollicitaient à la barrière en bois de garnis équivoques ; des blancheurs de chemises et de camisoles vous frôlaient au passage et puis la ruelle s’éteignait, retombait dans la nuit, suspecte, solitaire, fuyante sous la lueur d’une lanterne falote pendue à une poulie, et là-dessus la molle, légère et silencieuse tombée de la neige, de la neige floconnant toujours.

De la fille entrevue tout à l’heure et suivie, nulle trace ; tout à coup, un bruit de pas craquait dans le grésil et nous étions au même instant dépassés par deux hommes courant à toutes jambes. — « Mince, j’ crois qu’all’ a son compte. » — « Oh ! j’ l’ai matée…, Madame en pince pour les ratichons maintenant, et renâcle à la besogne…, deux sigues qu’elle m’a fait perdre ce soir. Aussi, j’ l’ai salée, j’ t’en donnerai, moi, de la messe ! Le client est au Château, qu’ tu dis, pourvu qu’i ne soit point décanillé. Bonne nuit, Dodolphe. » Et les deux hommes se séparaient.

— Nous allons au Château-Rouge, me disait Sternef, nous nous étions compris : aux