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dans le lointain, sur le plateau des fermes, un coq chanta ; un froid subit me tomba sur les épaules, le froid du matin ou de cette longue nuit blanche. Je m’aperçus alors qu’Armand était très pâle ; j’eus pitié de sa pâleur et, malgré ma curiosité encore allumée sur la comtesse Ethereld, disparue à mon gré bien soudainement du récit, je me levai un peu gêné, ne trouvant rien à dire que cette phrase banale :

— Terribles, ces femmes de race anglo-saxonne, de race blonde. La cruauté aiguë des blonds n’est pas une invention littéraire. Le Nord est plein de ladies Viane. »

— Non, me répondait Harel, les ladies Viane sont de partout ; brune ou rousse de cheveux, Lady Viane, c’est la femme, la femme vraiment femme, l’Eva de la Genèse, l’Ennoïa de Flaubert, l’éternelle ennemie, la danseuse qui boit le sang des prophètes, Salomé, Hérodias, la bête impure, Bestia. Quand elle nous tue physiquement, elle s’appelle la Débauche ; quand elle nous tue moralement, elle s’appelle la Haine et quelquefois l’Amour.