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branle de la cheminée, les coudes sur la tablette de chêne, avait un air à la fois souriant et mélancolique qui déconcertait : « Voulez-vous le voir, » me disait-elle enfin d’une voix très lente et très triste. Je m’approchai et, lui ayant pris la main droite qu’elle laissait pendre inerte auprès d’elle, je l’élevai jusqu’à mes lèvres et la baisai religieusement. « Vous ne m’en voulez donc plus, » reprenait alors la très douce et très triste voix ; « si je lui voulais du mal, en bonne conscience, serais-je ici, Armand ?… » Mon nom familièrement donné avait dans sa bouche de si étranges résonances, que j’en restai tout bouleversé. « Oui, » soulignait-elle, « appelez-moi Viane, comme je vous appelle Armand. Ne sommes-nous pas devenus frère et sœur dans le même danger et dans la même douleur, devant le chevet du même ami malade ? » Et, me prenant la main, elle m’emmenait hors du salon.

Pauvre chambre de Claudius, si fantasque et si lui-même avec son haut plafond vert de mer à poutrelles de chêne, ses murs tendus de vieux drap rose bordé de chardons d’argent et la délicate et savante harmonie des rideaux et du lit en vieille soie verte, un vert d’absinthe intense et lumineux, où se fanaient d’anciens