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mère. On sauverait le malade, mais sauverait-on sa raison ? Voilà le point qui l’inquiétait. Il ajouta : « Ce garçon a vécu trop à part, trop solitaire, trop sur lui-même, il s’est usé le cerveau dans des conceptions folles, c’est le cerveau qui est attaqué aujourd’hui ; mais avec les nerveux, on peut s’attendre à tout, même à des miracles et, si un miracle est possible, c’est ici qu’il aura lieu, grâce à la fée que voici, » et avec une grâce toute provinciale, il prenait la main de Lady Viane. « Madame a soigné M. Aiguor avec un dévouement, une douceur et une patience qu’on ne trouve plus que chez les sœurs de charité, ces proscrites, ou chez les mères, ces dédaignées. Si votre ami vit encore, remerciez-en madame, monsieur Harel, madame qui le veille depuis dix jours et dix nuits dans l’atmosphère contagieuse et empuantie d’une chambre de malade » et ayant baisé la main de Lady Viane, le docteur Halmein prenait congé brusquement.

Ce grotesque s’en allait ? Enfin ! Que devais-je croire ? Ses paroles étaient un cruel démenti donné à mes suppositions, mais n’était-il pas la dupe de quelque comédie de Lady Ethereld ! La comtesse Viane, le dos appuyé au cham-