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comme des vices, étaient restés chez moi dans leur gangue de rudesse et de rusticité première, et depuis, je me suis souvent pris à me regarder dans la conscience évoquée de Claudius, comme dans un miroir d’acier poli qui aurait reflété mes sentiments et mes goûts, mais taillés en diamants, aiguisés, devenus maladifs à force d’affinements…

Ma santé aimait cette névrose, je devinais sa faiblesse et me sentais moralement contraint à la protéger ; sa nature câline et douce d’enfant et de poète s’accommodait à merveille de cette quasi-tutelle, mais au fond de l’association, c’était lui l’âme et la volonté, une volonté de nerveux, mouvante, fuyante, au moindre heurt brisée, mais, une fois tendue, implacable, mauvaise, une volonté à la Catherine II, que rien au monde n’aurait pu fléchir.

Lady Viane avait failli me le tuer, lors de son séjour en Normandie. À son départ, elle me l’avait laissé dans un état impossible à décrire, surexcité, nerveux, l’œil égaré, dans un paroxysme d’irritation et d’exaltation fébrile frisant par moments la folie. À quel jeu cette savante entre toutes les savantes avait-elle pipé la raison de ce malheureux Aiguor ? Par