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J’avais quitté la ferme, comme je la quitte toujours, après la première quinzaine de janvier. Installé à Paris pour jusqu’à la fin juin, époque à laquelle je reviens avec bonheur à mes pommiers, et fort de la promesse que mon ami Aiguor m’avait faite de venir me rejoindre à Paris au carnaval, je m’attendais depuis huit jours à le voir débarquer à toutes les heures de train, l’esprit à cent lieues de la nouvelle que m’apportait ce télégramme.

Ce télégramme arrivait mal… Il dérangeait bon nombre de projets… Sans parler du bal de l’Opéra, où j’avais toute une joyeuse équipe de femmes voilées à conduire le soir même, j’avais mes soirées du dimanche et des deux jours suivants agréablement remplies… mais on n’a qu’un ami en ce monde… quand on en rencontre un, et cet ami, je l’avais trouvé dans Claudius. Je l’aimais plus qu’il ne m’aimait, je crois, car au fond, c’était un attirant, très conscient de son charme, même très femme sous ce rapport, au demeurant égoïste et n’aimant chez autrui que ses propres défauts, défauts très captivants, du reste. Sur ce sable mouvant, nous avions cependant bâti une solide amitié ; ces défauts communs, affinés chez Claudius