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lement mariée, et puis… des millions et encore des millions !

Des amants ! on ne citait jusqu’ici aucun nom, mais qui l’avait approchée pouvait la juger capable, à un moment donné, de tous les coups de tête et de toutes les audaces, tant sa nature à la fois fantasque et réfléchie et son existence oisive semblaient la prédisposer à tous les genres de folie.

Et ces messieurs y comptaient bien, nourrissant, chacun avec la fatuité inhérente à leur sexe, l’intime certitude d’être l’heureux seigneur avec lequel fauterait la belle marquise d’Osborne, dévorante fatuité dont l’excuse toute trouvée était d’ailleurs marquise elle-même.

Un Tanagra ! le sculpteur Herbeau l’avait définie ainsi, et cet imbécile avait par hasard trouvé le mot juste. Avec sa petite tête au front étroit et bas sous les cheveux crespelés d’un brun roux, son nez droit aux narines mobiles et le renflement du menton un peu lourd, avec son cou légèrement fort sur des épaules délicates et tombantes, sa taille droite et souple, ses bras menus à la chair froide et comme infiltrée d’azur pâle par les réseaux des veines apparentes, le regard aigu de ses yeux gris à