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secoué la tête ; l’un d’eux pourtant a bien voulu signaler un remède : le verre de sang tiède de sang de veau tué à la minute même, que les phtisiques vont boire, avant l’aurore, là-bas aux abattoirs.

Les premiers jours la marquise avait tenu à y conduire l’enfant elle-même… Mais l’odeur fade du sang, le relent des échaudoirs, les beuglements des bêtes qu’on assomme, ces senteurs de carnage et d’égorgement, tout cela l’angoissait, lui retournait le cœur… Elle se serait trouvée mal.

Rosario moins nerveuse avait bravement avalé le verre de sang tiède : « Du lait rouge un peu épais, » disait la petite Espagnole. C’était la gouvernante qui maintenant la conduisait dans le coupé, de cinq à six heures du matin, tous les jours, là-bas, au diable Vauvert, tout au haut de la rue de Flandre, aux abattoirs même : échaudoir numéro 6.

Et tandis qu’un feu de résine flambe clair dans la chambre de la jeune fille, que l’eau du bain tiédit dans la baignoire de porcelaine, la Barnarina, tragique dans ses velours et ses dentelles, vient appuyer son front aux vitres du grand hall, où se meurt la candeur des narcisses de