en une immense prairie plantée de peupliers bordée par la rivière, avec pour horizon les collines fuyantes, moutonnées de ronces et d’ajoncs, de la presqu’île du Cotentin.
Le pavillon de Sonyeuse ! les longues promenades et les doux effarements de mon enfance à travers les allées en berceau et le silence de ses quinconces, et mes jeux de gamin sur ses pelouses ensoleillées, ses grandes pelouses en herbes folles et en graminées, où pâturaient hiver comme été les trois vaches du gardien ; ce grand jardin, mi-forêt mi-prairie, si calme et si solitaire avec la silhouette au fond de son pavillon dormant, mais d’un calme et d’une solitude si particulière, que mes nerfs d’enfant surexcités finissaient par y vibrer comme les cordes d’une harpe, et que parfois je m’arrêtais, au milieu d’une partie de cerceau ou de toupie, tout frissonnant d’une indicible peur.
Et pourtant c’était un privilège envié par tous les autres enfants de mon âge que l’accès de cette espèce de jardin-fée. Moi seul et ma bonne avions le droit d’y pénétrer, et c’était par les courtes,