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Je patientai cinq jours attendant toujours un mot tombé de la bouche du docteur ou des lèvres de ma mère ; mais le cinquième jour, affolé devant ce parti pris de mutisme, Lambrunet et mes parents une fois descendus à la salle à manger, j’attendis fébrilement qu’ils fussent bien installés et, prenant mon courage à deux mains, j’enfilais une veste, un pantalon, et, pieds nus, au risque d’attraper la maladie et la mort sur ce froid carrelage, je descendais à tâtons l’escalier, et les doigts crispés sur le fer de la rampe, les cheveux collés de sueur aux tempes, je me postais dans le vestibule et les dents claquant de froid dans l’air de cave de ce corridor, j’écoutais, j’écoutais.

Mes prévisions ne m’avaient pas trompé ; mes parents avaient retenu le docteur à dîner et c’est de Sonyeuse et toujours de Sonyeuse qu’ils s’entretenaient à table.

« Hé mon Dieu, oui, c’est fini ; marmottait la voix du docteur, ce n’est plus qu’une affaire de temps maintenant, la maladie est sans remède… lady Mordaunt ne peut plus revenir à la raison.

— Et l’enfant ? interrompait la voix un peu