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gamins de mon âge devaient toujours dormir. Dès le coup de sonnette du docteur, je tombais donc dans un profond sommeil ; la porte s’ouvrait, un chuchotement confus bruissait aussitôt entre le visiteur et ma mère ; j’en distinguais quelques mots au vol et au hasard « Comment va notre malade ? Mieux. A-t-il mangé ?…, la fièvre…, il dort… »

« Il dort. » Sur ce mot, le docteur s’avançait sur la pointe du pied jusque l’alcôve et, écartant les rideaux avec des précautions infinies, prenait délicatement entre son pouce et son index ma main pendante hors du lit, me tâtait le pouls, puis, replaçant doucement la main sous les draps, ramenait la couverture sur ma poitrine de garçonnet, refermait les rideaux et venait s’installer au coin du feu près de ma mère. On y parlait d’abord de moi, puis de Sonyeuse et des gens de Sonyeuse, de la santé de lady Mordaunt et de son incurable mélancolie ; là-dessus, il arrivait à mon père de rentrer, et après les politesses et questions d’usage, la conversation devenait générale, prenait le ton de la discussion, et, au milieu des éclats de voix et