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nous avions coutume, ma mère et moi, d’entendre la même messe basse que les deux Anglais de Sonyeuse, séparés des deux femmes d’une distance d’à peine quelques pas.

Pendant toute la durée des offices, ce pauvre petit oiseau tombé du lit de miss Mordaunt, qui ne devait pas s’amuser tous les jours, élevée à l’écart et seule, comme elle l’était, sans jamais frayer avec d’autres enfants d’âge, cette pauvre petite miss Mordaunt ne cessait de tourner de mon côté l’effarement de ses grands yeux quémandeurs ; elle n’aurait pas demandé mieux que de faire connaissance, la pauvre petite isolée, mais elle n’osait, surveillée qu’elle était par les regards à longs cils baissés de sa mère, peu encouragée d’ailleurs par la physionomie très renfermée de ma mère à moi, mais manifestement surexcitée par mes mines sous cape et mes sournoises simagrées de vaurien.

Au courant d’une de ces comédies muettes, son livre de messe, un bijou de reliure gaine de velours mauve et dont j’avais depuis longtemps déjà remarqué les fermoirs faits de trèfles d’émail, lui glissait d’entre les doigts. Il glissait donc, ce livre,