Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

maternels à l’égard de la jolie étrangère : la première impression faite sur mes sens d’enfant dans le parc abandonné de Sonyeuse n’avait fait que croître et grandir ; durant les offices, je ne pouvais me lasser d’admirer cette délicatesse de profil et d’attache de cou qui m’avait tant frappé dès le premier jour : cette transparence de teint et cette éblouissante pâleur qui, dans le clair-obscur de l’église, s’affinait et pâlissait encore, comme idéalisée par le jour mystique tombé des vitraux, cette élégance et cette pâleur m’hypnotisaient ; et, si j’emploie à ce mot bien moderne et qui détonne, avec son air de terme technique, dans le gris et l’effacé de cette histoire mélancolique, c’est que je n’en trouve pas d’autre pour caractériser l’espèce d’obsession que cette pâleur et cette chair exerçaient déjà sur moi. Depuis, je me suis dit bien souvent que lady Mordaunt avait dû être mon premier amour de petit garçon imaginatif et précoce, et cette opinion, j’en trouve la confirmation dans le souvenir de maints et maints petits détails demeurés vivants dans ma mémoire, détails très minutieux, inhérents à la femme et dont se pré-