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L'Air et la Vitesse


mois après. Il est infiniment probable que vous le retrouverez assez loin de son point de stationnement, les roues en l’air, les ailes brisées. C’est que, dans ce laps de temps, bien certainement, les conditions atmosphériques auront été au moins une fois telles que, bien qu’il repose sur ses organes de sustentation par appui-terre, bien qu’il soit à ce moment un terrien et rien qu’un terrien, l’avion a subi l’influence de l’air parasite qui a été assez fort pour faire sentir sa prépondérance.

Voilà ce qui ne devrait pas se produire dans un état de choses logiques. Il faut un terrible cyclone pour renverser une automobile ou une locomotive ; il suffit d’un bon zéphir pour retourner un avion.

De deux choses l’une : ou l’avion est en l’air et il règne, il triomphe par la vitesse ou bien il fait retour à la terre et il doit prendre une liaison immédiate et immuable avec son appui. Il ne doit pas y avoir de période de transition : c’est d’elle que viennent la plupart des catastrophes.

Mettre des roues à un avion est une hérésie, une monstruosité mécanique. Cela a été commode pendant la période héroïque des tâtonnements, mais il faudrait maintenant songer sérieusement à abandonner ce moyen de fortune.

Et ce n’est pas le technicien qui tique le plus sur la roue : c’est… l’artiste ! Voyez une illustration où l’avion est représenté avec la fantaisie personnelle de l’auteur : presque toujours le châssis d’atterrissage est dissimulé, ou, s’il est représenté, ce n’est qu’une vague esquisse, on dirait que l’artiste en a honte.

C’est que l’art, comme la logique, est ami du beau et qu’il faut bien convenir que le châssis de roulement, cette voiture sous cet oiseau[1], n’est pas beau.

  1. L’expression n’est pas de l’Auteur ; il se souvient l’avoir lue, il y a longtemps (en matière d’aviation, longtemps, c’est quelques années).