Page:Loranger - Le village, 1925.djvu/8

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 6 —

LE RÂTEAU MAGIQUE



Le père Lauzon réparait un harnais ce matin-là, accroupi dans l’entrée de sa grange, quand il arriva qu’il fit tout à coup un petit soleil allègre.

— Ça serait-il que le temps deviendrait bon pour le chevreuil ? se demanda le père Lauzon en levant un œil interrogateur vers le ciel.

Peu après, le vent s’éleva, bousculant les arbres sur le bord de la route, et toutes les girouettes du village se décidèrent avec ensemble pour l’ouest.

Le père Lauzon, exprimant alors par un profond soupir le regret de n’être pas au bois où ce qu’il y a toujours gros de gibier, le matin, quand personne pense d’y aller, constata, bien convaincu cette fois.

— Eh oui, c’est ben ça. Un vrai beau temps à chevreuil.

Et, ayant réveillé le chasseur qui sommeillait en lui comme un chien dans une niche, le père Lauzon, que son harnais ne pouvait absorber davantage, se prit à écouter, au fond de son être, japper ses vieux souvenirs de randonnées.

L’automne dernier, il avait abattu deux beaux chevreuils d’une seule balle. On n’avait pas voulu le croire au village ; même qu’on lui faisait l’affront, depuis, de l’appeler Lauzon-la-balle. Le père Lauzon avait un passé riche en coups de fusil merveilleux et tous ces gens étaient des jaloux.

— C’est pareil, se dit-il, comme si je les avais eusse embrochés….

Et s’excitant de plus en plus :