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changeant subitement de tactique, le forgeron posa son marteau et se croisa les bras, supérieur.

— Écoute, lui dit-il, si on s’bat, ça changera rien à l’affaire. C’est pas que j’aie peur de toé, morpion ! mais tu vas commencer d’abord par te mettre au travail. Tu t’vantes de pouvoir ouvrir les quatre meilleurs fers (sic) de mon stock, eh ben, prouve-le !

Et, choisissant parmi sa marchandise ce qu’il avait de plus solide, quatre gros fers (sic) forgés par lui-même, il mit l’étranger en devoir de s’exécuter.

— C’est ça ! C’est ça ! approuva-t-on de toute part, attentif et l’œil rond.

Calmé du coup, mais son instinct d’homme fort ayant pris le dessus, l’étranger, sentant bien cette fois qu’il allait dominer tout ce monde, cracha de profil et serra sa ceinture de trois trous.

— Oui, monsieur ! tout de suite, pis on réglera ensemble la question de la chenille à poils après !

Et c’est avec stupéfaction qu’on le vit, recroquevillé et les coudes hauts, tordre les quatre fers (sic) sans plus d’efforts qu’il n’en faut à un homme ordinaire pour casser une latte sur son genou.

Tous les yeux se tournèrent alors vers le coq.

Mais le forgeron ne broncha pas d’une ride, car c’est ici qu’il attendait son homme.

— Y a pas à dire, t’es tough, mon jeune homme, mais t’as l’air d’oublier que le coq du village est devant toué ! Avant d’aller plus loin, tu vas me payer mes fers (sic) comme c’était entendu. Amène ; cinquante cents ! Un bon homme paye toujours ses dégâts.

L’autre, ne comprenant pas où le coq voulait en venir, tendit la pièce tout de même.

— Mes fers (sic) n’étaient peut-être pas ben bons, conclua-t-il sentencieusement, en glissant la monnaie dans sa poche, mais ton cinquante cents m’a l’air pas