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moué… Ça t’i du bon sens qu’une honnête créature couperait la confiance à son mari dans le moignon, comme ça, pendant qu’il travaille comme un pauvre chien pour la faire vivre !…

Raoul, s’approche pour la baiser au cou. — Envoye donc, Marie…

MARIE, violente

— Écoute, toué ! Tu connais Ernest, hein ?… Il est vindicatif ! j’ai que ça à t dire !… Marie a terminé sa vaisselle. Elle pose son linge sur le dos d’une chaise, sort un tricot de ses jupes et va s’asseoir dans la berceuse, près de la fenêtre. Raoul est penaud sur une autre chaise, au milieu de la scène.

RAOUL, braillard

— V’là c’que c’est que les femmes !… Quand on leur demande ça, ben gentiment, ça leur donne de la force, pis, a’ vous envoye chez l’diable comme un seul homme ! … Ben Marie j’sus certain moué que ton Ernest a pas été monsieur comme j’l’ai été… C’est peut-être pour ça aussi qu’i t’as eue aussi ?… T’as pas besoin de te regimber ! i’ s’en ai vanté. I’ a commencé par se servir des petits morceaux sans conséquences, pis toué, après, tu y as tout donné.

MARIE

— Tais-toué ! C’est effronté, c’que tu dis-là !

RAOUL

— C’est pas moué qui es effronté ; parce que sans ça j’t’aurais, aujourd’hui… Un effronté ! un effronté ! les femmes aiment ça, un effronté ; puis j’vais l’être !

(il se lève vers elle)
MARIE, apeurée

— Raoul !… Tiens-toué tranquille, mon v’limeux !