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LA REVANCHE



Deux fois par semaine, à heures fixes, venant de chez Déric Castor, des cris déchirants troublaient la quiétude des voisins.

En automne, c’eût pu être pris pour une saignée de cochon ; cela ressemblait aussi, à s’y méprendre, au vacarme d’un poulailler où un jeune chien prendrait ses ébats ; aux grincements d’une corde à linge, un jour de blanchissage.

C’était d’abord braillard. Passant à la terreur, ça devenait aigu puis rauque pour finir, chaque fois, en un long miaulement. Une porte claquait alors.

Comme on le voit, il eût fallu être sourd pour ne pas deviner que Déric Castor battait sa femme.

Pourtant, bien que l’évidence fut indéniable, celle-ci, loin d’admettre l’outrageuse violence de son homme et de s’en plaindre, on sait avec quelle sympathie elle aurait été accueillie, persistait à contrecarrer l’opinion, s’indignant qu’on pût accuser le plus parfait des maris d’une si infâme lâcheté.

— Mais voyons, répliquait-elle à bout d’arguments pensez-vous que j’serais assez sans-cœur pour me laisser faire ?

Et ma’me Castor roulait lentement ses manches jusqu’à ses biceps avec un air qui pouvait se traduire par :

— Le gros travail, moué, ça m’connait !…

Fallait-il, s’obstinait-on, que cette brute de Castor en eût une emprise sur sa femme, pour qu’elle le défendît ainsi en dépit de tout !