Page:Loranger - Le village, 1925.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’ARGUMENT DÉCISIF



Si Médas Brébœuf, le jour où la chose advint, versa ses cinquante piastres d’amende sans maugréer, ce n’est pourtant pas qu’il eut plaidé coupable ni qu’il se sentit humilié.

À l’encontre d’Arthur Lefebvre qui promit une main sur la gueule à quiconque reparlerait désormais de la bataille de coqs, Médas Brébœuf, lui, sembla n’en vouloir à personne. Pas plus au garde-pêche, qui avait fait sa grande langue auprès de la police de Sorel, qu’à ce damné de Lusignan, le moins regardant des parieurs à toutes les batailles, autant de coqs que de chiens et qui, depuis, faisait le fin en proclamant partout :

— Le coq à Brébœuf, c’est un bon coq ; mais j’cré il va mourir de vieillesse, à c’t heure !

L’homme n’était pourtant pas une pâte molle ; au contraire, il passait pour prime comme pas un. Et tous ceux qui le rencontrèrent, avec son air sombre et préoccupé, pouvaient bien affirmer, en effet, que si Brébœuf ne disait rien, c’est qu’il devait ruminer quelque chose par en-dessous.

La vérité, — on l’apprit ce soir-là au bureau de poste, à l’heure du courrier, — c’est que Médas Brébœuf tenait seule la loi responsable et qu’avant de s’en plaindre, il importait pour lui de prouver à tout le monde que cette loi-là, c’était la plus mal faite des lois.

Cette fois, il avait trouvé ; et, se dirigeant en droite ligne sur le garde-pêche, campé, les yeux fixes, en homme certain de ce qu’il va dire :