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L’ORAGE



— Sauve-toué, Arthur ! v’là mon mari !

Quand il pleut les charpentiers ne travaillent pas.

Ce jour-là vers trois heures, comme la pluie venue de l’est promettait de durer, l’homme n’avait pas hésité à rentrer définitivement chez lui

— J’ai pas le temps de m’sauver ! brailla Arthur, tournant dans la pièce, affolé.

— Ben cache-toué ! décida la femme, vindicatif comme tu le connais, y peut tuer…

Quand le charpentier pénétra chez lui, balançant son grand chapeau de paille à bout de bras pour l’égoutter, il trouva sa femme assise près de la fenêtre, un tricot aux mains.

— Quiens, c’est toué, déjà ?

— C’t’affaire, tu vois donc pas qu’y mouille ?

Après avoir jeté un coup d’œil interrogateur par la fenêtre, la femme, toujours très calme, proposa :

— En ce cas, va donc quérir du bois dans la shed, celui de la cour s’allumera pas pour ton souper à soir.

— T’es ben pressée pour ton souper, sa mère, y est pas trois heures !

À ce moment, la pluie redoubla sur le toit de tôle et la cuisine s’emplit d’un fracas sonore.

— J’vas me changer, conclut l’homme, j’pourrais attraper du mal. Chus pas venu en carrosse, moué, de la grange au père Lauzon.

Si l’homme, en se dirigeant vers la porte de la chambre à coucher, avait tourné la tête du côté de sa