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achètent à beaux deniers comptants, ne trouvent pas non plus d’appui dans la loi, quel sera leur refuge ?


2o L’aisance est-elle plus favorable au développement de l’instruction que la misère ?


Les écoles sont-elles plus fréquentées dans les pays riches et fertiles que dans les campagnes moins bien favorisées du ciel ; dans les grasses vallées que sur l’aride montagne (146) ? Le raisonnement est impuissant à résoudre la question, et l’expérience est si incertaine qu’elle nous laisse dans le même embarras. En effet, si le paysan aisé peut se passer plus aisément du travail de ses enfants et sacrifier à leur instruction le temps qu’il aurait pu leur demander pour sa culture, d’un autre côté, cette fertilité même qui fait sa richesse réclame tous les bras de la ferme, et ceux de ses enfants seront donc alors perdus pour lui. En sacrifiant les éléments de cette richesse qui lui donne le goût de l’instruction, il la perd ; si le pauvre, en jetant les yeux au-dessus de lui, envie l’aisance des conditions plus élevées, et se sent disposé à donner à son fils, par une instruction plus soignée, les moyens de gravir au-dessus de la condition paternelle, d’un autre côté, les besoins sont si pressants, les nécessités si impérieuses, que le sacrifice du temps seul de ses enfants est une épargne qu’il ne peut faire. Que sera-ce s’il y faut joindre la dépense réelle d’une mise plus décente, d’une paire de sabots, d’un mouchoir, d’un livre de lecture ? Aussi, rien de plus hasardé que les jugements des inspecteurs sur cette question. Là où ils rencontrent une école bien fréquentée dans un pays ingrat : « C’est que la misère est un bon conseiller, » disent-ils. Si, au contraire, elle est déserte : « C’est que les gens sont trop misérables (147). » Descendent-ils dans un pays riant, couvert d’abondantes moissons : Si l’instruction est en souffrance, c’est que le pays est trop