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mère, l’amalgame aussi ne s’y trouve-t-il pas ? Qu’importe son nom ! Nous lisons avec effroi, dans un tableau du Journal of Education, qu’en quatre jours, à Londres, quatorze cent quatre-vingt-quatorze enfants avaient fréquenté quatorze boutiques de rogomistes[1]. Nous voyons en France les mêmes usages naître de la même corruption ; et, par forme de récréation, la funeste pitié des parents laisse les jeunes enfants prélever sur le tribut quotidien qu’ils reçoivent de quoi boire l’eau-de-vie dans les tavernes de l’endroit (145). Ainsi, malgré le nombre prodigieux des maladies dont le séjour des enfants dans les fabriques devient pour eux la source, on est encore obligé de considérer leur mauvaise santé comme le moindre de leurs maux.

Nous le répéterons volontiers, nous sommes loin de déclarer la guerre à l’industrie : quand chacun de nous profite, à toute heure du jour, des jouissances qu’elle ajoute à la vie, il y aurait plus que de l’injustice à blasphémer ses bienfaits, il y aurait de l’ingratitude ; mais, s’il fallait les acheter par de pareils sacrifices, qui ne rougirait de payer si cher le bon marché qu’elle nous fait ? Je suis loin encore d’accuser de cette dureté de cœur tous les directeurs de fabrique et de manufacture ; on en cite même que nous comptons parmi les bienfaiteurs de nos écoles ; mais, quand deux intérêts, de leur nature aussi contraires que l’amour du gain et l’instruction, se disputent l’enfance, nous disons qu’il y aurait une imprudence coupable à la loi de s’en reposer sur la générosité des individus pour faire le sacrifice de leurs intérêts dans la mesure que prescrit la justice. Si ces pauvres enfants, sans appui dans la faiblesse de leur âge, sans appui dans la tendresse de leurs familles qui les vendent, sans appui dans l’humanité de ceux qui les

  1. Voyez Manuel général de l’Instruction primaire, journal officiel, tome vi, page 242, no 5.