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qu’une nation, jalouse des nouveaux droits nés pour elle de la révolution de juillet, pouvait en faire une expérimentation périlleuse, si on l’abandonnait à son ignorance accoutumée ; qu’elle avait entre les mains désormais une arme utile ou funeste selon qu’elle en aurait appris ou méconnu le bon usage : et, sans borner ses inquiétudes aux prévisions de la politique, l’ébranlement communiqué à toutes les croyances salutaires par le langage hardi des mauvaises doctrines, le trouble des consciences descendu jusqu’au fond des classes les plus paisibles ; les progrès de la corruption et du libertinage (39) ; par quoi pouvaient-ils être guéris que par une éducation nouvelle, moins impuissante que l’ancienne ignorance à protéger dans les esprits les idées conservatrices de l’ordre et de la société ? Certes, si le salut est pour nous quelque part, c’est dans l’instruction populaire qu’il faut louer le gouvernement de l’avoir cherché.

Mais comme, en cela, la société obéissait à un instinct de conservation propre, senti plutôt par les esprits des classes élevées que par l’inexpérience des ordres inférieurs ; elle avait trop présumé du bon sens populaire, lorsqu’elle s’était attendue à voir accueillir ce bienfait avec enthousiasme par ceux mêmes auxquels il était destiné. On comptait sur de la reconnaissance ; on a, presque partout, éprouvé de la résistance. Le peuple a plus de bon sens qu’on ne suppose. Il ne bat pas des mains comme une académie à la découverte d’une charrue perfectionnée ; mais une vieille prudence le met en garde contre tout ce qui se présente avec la prétention d’innover. Il observe, il profite des fautes, comme aussi des progrès de son voisin ; Jacques Bonhomme ne va pas vite, mais il a l’avantage de ne reculer jamais d’un pas, et de toutes ces améliorations annoncées à grand fracas, le genre humain n’en perd pas une qui