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terre, et quelques poignées de blé sarrasin leur sont accordés même à regret. De l’argent, ils n’en reçoivent jamais. Tout se borne à des promesses, et les instituteurs souffrent toutes les privations. En outre, ils sont souvent en butte aux tracasseries ou du maire ou du curé, suivant leur liaison avec l’un ou avec l’autre. S’ils ont du pain ils sont enviés, s’ils sont misérables on les méprise.

Landes ; arr. de St.-Sever, cant. de Mugron. — On peut remarquer que, dans les quatre premières communes de ce canton, il n’est pas question de rétribution pécuniaire ; là, les instituteurs vivent de ce que les parents veulent bien leur donner à l’époque de chaque récolte.

D’après cela, on serait tenté de croire que la position de l’instituteur est plus misérable qu’ailleurs, on se trompe.

Si la commune est riche, s’il sait s’attirer l’affection des habitants, il a toujours de quoi se mettre hors de cette misère apparente qui tant de fois m’a fait saigner le cœur. Il a de quoi se nourrir ; je ne puis pas en affirmer autant de ceux qui ont fait figurer dans les notes une rétribution pécuniaire ; cette rétribution de quoi leur sert-elle ? Ils ne peuvent le plus souvent retirer une obole de la plupart des parents.

Landes ; arr. de St.-Sever, cant. d’Ancou. — Les instituteurs se contentent d’une certaine quête annuelle, qu’ils font chez l’un et chez l’autre, coutume presque aussi bizarre que la précédente. Supposez, dans la saison des vendanges, M. l’instituteur allant de porte en porte avec une brocotte mendier quelques litres de vin, le plus souvent donnés de mauvaise grâce. Le don est à peu près libre, chacun donne selon sa bonne humeur. Cela fait presque pitié à voir. Il ne faut pas croire que cet usage existe dans ce seul canton. Partout il se retrouve. Dans les autres cantons, c’est en grain, ce que l’on voit dans les notes ou tableaux précédents comme rétribution de chantre, bedeau, etc., n’est autre chose que cette quête évaluée par à peu près en argent.

Loiret ; arr. d’Orléans, cant. de Checy et Neuville-aux-Bains. — L’inspecteur a trouvé établi, dans un grand nombre de communes rurales des deux arrondissements, un usage qu’il croit devoir porter à la connaissance de l’autorité supérieure.

Tous les ans, au mois d’octobre, les instituteurs font une quête dans les principales maisons du village. Ces quêtes s’étendent sur le vin, le beurre, les œufs, le fromage, etc. Que les instituteurs reçoivent à domicile, des parents de leurs élèves, des marques de leur reconnaissance en différentes denrées, il n’y a rien là qui soit précisément contraire à la gravité de leurs fonctions, quoiqu’il vaudrait peut-être mieux que cela même n’existât pas. Mais qu’ils se transportent eux-mêmes avec une brouette ou un panier, comme l’inspecteur en a vu, pour solliciter du vin, du beurre et des œufs, etc., qu’ils s’exposent à des refus humiliants, et quelquefois à des discussions très-désagréables,