Page:Lorain - Tableau de l’instruction primaire en France.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elle pouvait servir d’excuse à l’incapacité des maîtres. On verra dans la liste que nous avons dressée des livres trouvés alors en possession des écoles, que des instituteurs plus habiles devaient échouer avec de pareils instruments (365).

Les croix de par Dieu, les psautiers latins, les abécédaires de Limoges avec figures de girafe ou d’éléphant (366), n’avaient au moins qu’un tort, celui de mal seconder les leçons du maître et de laisser languir l’instruction de l’enfant ; mais combien d’autres n’ajoutaient-ils pas à ce danger le danger bien plus grand encore de fausser de bonne heure le jugement par des fables grossières, et souvent de corrompre le cœur par des lectures immorales ou impies (367). Telle était l’anarchie, que des instituteurs n’ont pas craint de nous présenter, comme spécimen de l’écriture de leurs élèves, des cahiers où ils leur avaient dicté tout au long une apologie de l’adultère, et je ne sais quel pamphlet intitulé le cauchemar du juste milieu (368). L’inexpérience des parents et l’insouciance des maîtres laissaient l’innocence de ces enfants jouer avec des charbons ardents, et l’on trouvait dans leurs mains le bon sens du curé Meslier (369) à côté du catéchisme. Quelques ouvrages que leur titre aurait dû, ce semble, reléguer au moins dans les villes, mais que le hasard avait comme égarés dans les campagnes, égayaient singulièrement les lectures : on y apprenait les devoirs de l’homme galant, et les passages drolatiques de Montaigne ou d’Amyot étaient à peu près tout ce qu’on pouvait en comprendre dans les écoles (370).

Car les meilleurs livres ne sont pas toujours bons pour l’enfance, et je n’hésiterais pas à condamner pour elle l’usage même des extraits ordinaires de la Bible, à commencer par le récit de la chasteté de Joseph (371). La vie des Saints n’est pas non plus sans danger, et, quand