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et de la grammaire, c’est un nouveau marché à conclure. Qu’arrive-t-il de là ? Les familles se disent, en envoyant leur enfant à l’école : qu’il apprenne à lire, nous verrons plus tard pour l’écriture (347). Tous ces petits malheureux sont donc obligés de passer, le nez collé sur leur croix de Jésus, les six heures de classe de la journée, sans aucun profit pour leur instruction ; et il eût bien mieux valu employer à leur faire tracer quelques lettres le temps qu’ils ont perdu à faire semblant de préparer la leçon de lecture. On sent d’ailleurs combien ce retard est préjudiciable à leurs études, en même temps qu’il les accoutume à une inertie d’esprit vraiment fatale. Ajoutez que cette distinction en lecteurs et en écrivains rend encore plus difficile l’emploi de la méthode simultanée.

Je suis étonné de voir, qu’aujourd’hui, lorsqu’il est devenu palpable pour les esprits les plus sceptiques qu’un enfant n’a qu’à gagner à faire marcher de front ces deux branches d’instruction, tant de conseils municipaux aient encore consacré, par une différence de prix, cette singulière hiérarchie. Il semble qu’il faille commencer par apprendre à lire avant d’oser aspirer à prendre la plume, comme il faut être soldat avant de porter l’épaulette : aux yeux des parents, l’enfant qui écrit (348) a passé caporal, et c’est pour eux une espèce d’anarchie que de mêler ainsi tous les grades.

Quand une fois on aura fixé un prix unique pour recevoir à l’école l’instruction primaire dans toute la compréhension du mot, on ne verra plus autant d’enfants se contenter d’apprendre à lire, parce que leurs moyens ne leur ont pas permis d’aller jusqu’à l’écriture. On voit donc que ce préjugé puéril, d’ailleurs facile à vaincre, vaut pourtant la peine qu’on s’en occupe, puisque les effets en sont directement contraires à l’extension donnée par la loi à l’instruction primaire (349).