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d’excuse. Mais il n’en est pas de même des hommes ; car s’ils changent, ils disent que toujours la faute en est à nous[1].


Entre ALBANO.
Albano.

Je me réjouis fort, don Juan, de vous rencontrer seul en ce lieu.

Dinarda.

Et moi aussi de vous voir ; car je viens pareillement disposé à vous donner ou à vous demander les renseignements qui nous sont nécessaires à chacun.

Albano, à part.

Dieu me protége. Il m’est impossible d’en douter. Ce don Juan, — c’est elle.

Dinarda, à part.

Je tremble de peur. Il a l’air de me reconnaître. Mais quand même je devrais mourir ici, je lui soutiendrai qu’il s’abuse. (Haut.) Eh bien ! puisque vous désirez me parler, je vous écoute.

Albano.

Quand vous êtes entré dans cette maison vous connaissiez mes vues ; pourquoi y êtes-vous revenu depuis ?

Dinarda.

Ceci est mon secret que je ne suis pas obligé de vous dire. Dieu seul le saura. Je ne dois pas compte de ma conduite à un homme aussi léger.

Albano, à part.

Jésus ! c’est bien elle. Mais Célia prétend que Phénice… Cela ne se pourrait pas si ce don Juan est une femme. Cachons-lui mes soupçons jusqu’à ce qu’il se déclare lui-même. (Haut.) Je me suis adressé déjà à vos laquais pour m’informer de vous.

Dinarda.

Très-bien. Et dans quel but, s’il vous plaît ?

Albano.

Je voulais savoir d’eux votre nom et celui de votre pays. — Ils se sont moqués de moi.

Dinarda.

C’est la coutume des pages[2].

Albano.

Ce n’est pas que je sois effarouché de voir venir dans ces parages un cavalier aussi charmant, aussi aimable ; non, je ne suis point jaloux ; mais je voulais savoir si vous êtes un homme… bien loyal, car votre conduite à l’égard de cette femme me semble pleine d’artifices.

Dinarda.

Des artifices !… que vous êtes gracieux et flatteur ! Puisque vous

  1. Dans l’original ce monologue forme un sonnet.
  2. Son pajes.