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Lucindo.

Allez avec Dieu, mon cher bien, et préparez-vous à me recevoir cette nuit. Pour moi, je vais de ce pas avec ce cavalier chez un négociant qui consent, à cause de lui, à me rendre un service. Il consent à me prêter trois mille ducats en attendant que j’aie vendu.

Phénice.

Je ne suis pas contente de vous, Lucindo, et il faut que je vous aime bien tendrement pour que je ne me fâche pas. Vous auriez dû vous adresser à moi pour négocier cette affaire.

Lucindo.

Est-ce que vous connaîtriez quelqu’un qui pût m’avancer la somme dont j’ai besoin ?

Phénice.

Certainement. Ces jours passés, plusieurs belles demoiselles de mes amies ont confié à un capitaine également de mes amis, qu’elles ont de l’argent qui dort chez elles sans leur rapporter d’intérêt, et qu’elles songent à le placer. Elles vous avanceront volontiers cette somme. À quoi la destinez-vous ?

Lucindo.

À acheter du blé, parce qu’on en manque là bas.

Phénice.

Je me charge d’arranger cela. Comptez sur mon zèle à vous servir.

Lucindo.

C’est que, voyez-vous, il y a encore ici dans le commerce plusieurs des marchandises que j’apporte qui ne sont pas épuisées, et j’aurais peu de profit à les vendre sur-le-champ. Si, au contraire, j’attends un mois, je gagnerai dessus cent pour cent. Il faut donc que j’emprunte cette somme, quelques intérêts que l’on demande, puisque je les retrouverai sur les bénéfices.

Phénice.

C’est bien vu. Je vous la trouverai, soyez tranquille. Seulement il importe que ces personnes puissent voir de leurs yeux vos marchandises.

Lucindo.

Je donnerai les clefs du magasin où elles sont.

Phénice.

Ce sera un gage suffisant.

Lucindo.

J’ai d’ailleurs un autre avantage à ne pas vendre dès à présent ; c’est que je pourrai jouir plus longtemps de votre vue.

Phénice.

Ce sera pour moi, mon doux bien, la plus douce des récompenses.

Lucindo.

Oh ! je vous en donnerai plus tard, quand j’aurai vendu, une plus digne de vous.