Adieu.
Eh bien, Tristan ?
Ma foi ! Vous êtes né coiffé[1].
En effet, je suis un heureux mortel.
Scène II.
D’où vient que vous faites tant de signes de croix ?
Il y a bien de quoi, certes, après avoir vu sa tournure andalouse.
Vous pensez donc que c’est une femme ?
Si ce n’est pas une femme, moi je suis un fou.
Ce n’est pas beaucoup dire.
Si fait ! car à présent je n’ai plus rien à perdre que l’esprit.
Vous ne voyez donc pas que c’est une véritable extravagance de soutenir qu’un jeune homme est une femme ?
J’ai des raisons pour cela… — Personne ne peut vaincre sa destinée… Dans la plus belle de toutes les villes que le soleil éclaire en Europe, à Séville, dans la rue qu’on appelle la rue des bains de la reine Morisque, c’est là que Dinarda naquit. Un seul mot suffira pour vous faire juger de sa beauté : c’est que la première fois que je la vis, l’idée me vint qu’elle seule aurait pu inspirer au fameux peintre Zeuxis un portrait digne d’Hélène. Je lui rendis des soins : je me promenai, je rôdai autour de sa maison, je lui envoyai des messages par l’entremise de quelques vieilles complaisantes ; et ce ne fut qu’après plus d’un an d’assiduités continuelles que j’obtins qu’elle daignât m’écrire. Voilà d’ailleurs tout ce que j’ai eu jamais d’elle ; en laisser entendre davantage, ce serait outrager sa vertu et la vérité. Ainsi tout cet amour consista en lettres purement
- ↑ Littéralement : « Vous êtes né par les pieds. »