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brusque départ, je soupçonne que ce prétendu procès qui appelle don Juan à Madrid…

Léonarda.

Que soupçonnez-vous ?

Don Fernand.

La véritable cause de votre chagrin.

Léonarda.

Pourriez-vous bien me reprocher l’estime que j’ai conçue pour don Juan ? N’est-ce pas sous vos auspices qu’a commencé cette liaison ?

Don Fernand.

C’était un badinage.

Léonarda.

Que nous avons pris au sérieux[1].

Don Fernand.

J’ai eu tort, je l’avoue, j’ai trop vanté don Juan.

Léonarda.

Quand une femme devient éprise d’un homme, la faute en est à celui qui l’a loué devant elle.

Lisène.

Et vous, éprise de don Juan, vous prétendiez traiter de mon mariage avec lui. — Quelle touchante amitié !

Don Fernand.

Qu’est-ce donc ?

Lisène.

Ce n’est plus rien maintenant… C’est passé.

Don Fernand, à part.

Je suis offensé de tous les côtés. J’ai à me plaindre à la fois de ma sœur et de ma maîtresse. L’honneur et l’amour m’ont aussi maltraité l’un que l’autre.

Lisène.

J’ai pensé que je pouvais me marier après la mort de don Pèdre.

Don Fernand.

Vous le pouvez de même après la mort de don Juan.

Lisène.

Don Juan n’est pas mort.

Don Fernand.

C’est tout comme, puisqu’il est absent.

Don Louis, du dehors.

Entrez, entrez donc.


Entrent DON JUAN, DON LOUIS, CITRON, DIONIS et Inès.
Don Juan.

Vous m’amenez ici, seigneur ?

  1. Il y a ici une grâce intraduisible. Elle tient à la double signification du mot cartas, cartes à jouer et lettres. « Lorsque deux personnes se donnent des cartes (ou des lettres), c’est qu’elles vont jouer. »