Oui, madame.
Et de quoi donc ?
Précisément de ce qu’on ne l’a pas aimé.
Et si l’on en aimait un autre, ne valait-il pas mieux lui montrer de l’indifférence que de le tromper ?
Sans doute.
Eh bien, seigneur, puisque j’aime ailleurs, comment pourrais-je répondre à vos sentiments ?
Si celui que vous aimez a plus de mérite, personne ne pourra vous blâmer.
Eh bien ! j’aime don Juan.
Vous n’avez pas besoin d’excuse.
Pardonnez-moi cet aveu, et songez que déjà il est loin d’ici à cause de vous.
Je ne vous comprends pas.
Oui, don Juan, afin de ne point trahir l’amitié et de ne pas manquer à la reconnaissance, vient de partir pour Madrid. Il m’a priée avec instance de prendre en considération vos belles qualités et de vous aimer, et il est parti pour vous laisser le champ libre, en me disant de l’oublier. Mais je ne l’oublierai pas plus en son absence que s’il était présent ; et croyez-moi, illustre Ribera et Guzman, si j’eusse pu disposer de mon cœur, je vous aurais aimé, soit à cause de votre mérite, soit parce que don Juan me l’a demandé. Mais je ne puis disposer de mon cœur ; il appartient à un autre, et je finis en vous disant que j’aime don Juan et que je l’aimerai toute ma vie.
Quelle situation !
Elle vous a déclaré sa pensée avec beaucoup de noblesse.
Si don Juan m’eût parlé, je l’aurais empêché de partir. Mais puisque je dois renoncer enfin à un fol espoir, qu’attends-je encore ?