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de celle que j’adore ? Et d’un autre côté, comment pourrais-je le trahir, moi qui lui ai tant d’obligation ?… Je n’ai qu’une seule ressource… partir. — Je vais prendre congé d’elle.

Il sort.
Citron.

Je vais préparer nos valises, et tant pis pour Inès ! Je m’en irai sans prendre congé d’elle.

Il sort.



Scène III.

Chez don Fernand.


Entrent LÉONARDA et LISÈNE.
Lisène.

J’ai à vous parler d’une chose importante.

Léonarda.

Vous m’inquiétez ; je vous écoute.

Lisène.

Quel est ce don Juan ?

Léonarda.

Un cavalier sévillan, ami de mon frère.

Lisène.

Il est aimable et spirituel. Jamais, non, jamais homme ne m’a plu autant.

Léonarda.

Et don Pèdre, le défunt ?

Lisène.

Ma foi ! je l’ai oublié depuis que j’ai vu don Juan. — Les morts ont toujours tort. — Il est impossible qu’ils puissent lutter avec les vivants ! ce sont des ombres, et, l’hiver surtout, une femme n’est pas bien à l’ombre[1]. Voulez-vous voir ce qu’est un mort ? Rappelez-vous quand meurt un prince. Toute la cour se précipite vers son héritier, et l’on ne pense et s’inquiète pas plus de l’autre que d’un roble[2] au désert.

Léonarda.

Il paraît que don Juan est l’héritier de don Pèdre ?

Lisène.

Oui, il me le faut oublier, et j’en quitte mon deuil. Je l’ai assez pleuré, et mon cœur doit aimer encore. — Ah ! ma chère, heureuse celle qui sera sa femme !

Léonarda.

Il ne tient qu’à vous d’avoir ce bonheur.

Lisène.

Si vous voulez vous occuper de cela, je vous ferai un joli cadeau.

  1. Ce jeu de mots se trouve dans l’original.
  2. Le roble est une espèce de chêne.