Dame de mon cœur, est-ce vous ?
Comme je n’ai pu causer avec vous cette nuit, je suis venue.
Au nom du ciel, soulevez ce voile.
J’y consens pour vous obéir.
Bienheureux saint Blaise[1] !
Non, madame, laissez mon âme se préparer à ce bonheur. — Que la blanche aurore répande ses perles cristallines par les balcons de l’Orient ; que les oiseaux, muets toute la nuit, recommencent à l’envi leurs chants harmonieux ; que les prés verdoyants se couvrent de fleurs nouvelles et charmantes ; enfin que les nuages se dissipent, et que le ciel et la terre se réjouissent, — car voici le soleil ! Il découvre Léonarda et la contemple avec ravissement.
Vous vous amusez, don Juan. Je vous parais mal sans doute. Ce que vous regardez en ce moment ne vaut pas ce que vous aviez imaginé. — Il faudra que vous en appeliez pour dol ; et comme l’Amour n’est qu’un enfant, en qualité de mineur il gagnera son procès. Vous avez l’air d’un homme qui sort d’une longue illusion, et qui par politesse ne veut pas le laisser voir.
Non, madame, j’ai le même amour qu’auparavant, — l’amour le plus vif et le plus tendre, — cet amour qui m’inspirait un si grand désir de vous voir, vous dont la beauté fait mon bonheur comme elle a fait votre sécurité. Vous parlez de mon imagination : elle est toute terrestre, et devant moi je contemple le ciel. Moi je n’imaginais pas ce beau soleil, ces étoiles ni ces roses, et mes rêves sont dépassés.
Maintenant que vous avez fini cette apologie, est-ce que je ne pourrai pas voir à mon tour un tantinet[2] ?
Je te paraîtrai bien mal si tu me compares à toutes les belles choses que tu as vues dans cette grande ville.
Vive Dieu ! madame, il faut que je vous demande pardon à deux