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Citron.

On ne m’a pas laissé un quatrin.

Sancho.

Je vous en avertis, si vous entendez siffler cette nuit près de vous, n’en soyez pas étonné ; ce sera un serpent qui viendra courtiser la couleuvre.

Citron.

Un moment ! (Fouillant dans sa poche.) Je vais envoyer à Zamora la Vieille, pour voir si je n’y aurais pas oublié quelque chose… Ma foi, voici un réal. Tenez, c’est pour vous.

Sancho.

Vous avez pris le bon parti. — En avez-vous d’autres pareils ?

Citron.

Non, seigneur, je n’en ai plus, malheureusement pour vous.

Rosales.

Que le ciel vous accorde des consolations dans votre prison !

Citron.

Qu’il daigne plutôt m’accorder ma délivrance !

Sancho, Cespedosa et Rosales sortent.


Entre INÈS.
Inès, à part.

Voici donc ce qu’on appelle une prison. Quel horrible séjour !

Citron.

Une femme !… Feignons d’être un galant homme. Car si l’on n’a pas au moins en prison la sympathie d’une belle, c’est à périr d’ennui.

Inès, à part.

Voici un de ces marauds. — Quelle mine ! Il a au moins deux ou trois meurtres sur la conscience.

Citron.

Holà ! mademoiselle, que cherchez-vous dans la prison ? Quel est l’heureux mortel qui attire votre beauté ?

Inès.

Seigneur, un cavalier qu’on vient d’arrêter.

Citron.

C’est moi.

Inès.

Ce n’est pas à vous que j’ai affaire.

Citron.

Bien répondu, vive Dieu !… Parlons-lui mon langage ordinaire : Aimable Tolédane… j’aurais dû me contenter de dire tout simplement Tolédane ; car jusqu’ici il n’y a pas eu de Tolédane qui ne fût pas aimable… Brillant soleil, douce et vive lumière de cette nuit où je languis, je suis le valet d’un cavalier qui est en cette prison depuis quelques minutes. Si ma tournure était tant soit peu à votre goût (et dans la rue je ne suis pas à dédaigner), si ma mine