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Phénice.

J’ai enfin trouvé ce que je cherchais. Il y a bien des années qu’il n’est pas venu en Sicile un étranger, soit cavalier, soit marchand, chez lequel mes stratagèmes aient eu à pêcher un argent si joli. Il amène un navire chargé de drap, de bas et de satin.

Célia.

Vous a-t-il dit où il demeure ?

Phénice.

Je connais son logis.

Célia.

Voilà, du moins, une soirée bien employée !… Mais quelle sorte d’homme est-ce ? Est-ce un homme d’esprit timide, ou un sot présomptueux ? Vous a-t-il paru généreux ?

Phénice.

.

Je lui ai dit trois ou quatre douceurs, et il est tombé là-dedans comme une mouche dans le miel. Pauvre garçon !

Célia.

Quelles sont vos intentions à son égard ?

Phénice.

De l’écorcher tout vif. — Allons, recouvre-toi de ta mante et marchons. Il nous suit.

Phénice et Célia sortent.
Tristan, à Lucindo.

Voilà votre aventure ?

Lucindo.

Oui.

Tristan.

Quelle femme est-ce ?

Lucindo.

Je ne sais pas trop.

Tristan.

Elle se sera moquée de vous.

Lucindo.

Pour cela non, puisqu’elle ne m’a rien pris ni demandé.

Tristan.

Eh quoi ! ne pensez-vous pas que les doux regards et les tendres paroles sont de véritables lettres de change ? Et pour que mon sentiment ne vous étonne pas, je vous prierai de remarquer que toutes les fois qu’un homme s’entretient avec une femme de ce genre, ses yeux semblent dire : « À vous tous qui êtes ici témoins, faisons savoir que nous nous obligeons à payer ce qu’on nous vend au prix que l’on voudra, en renonçant au bénéfice des lois qui garantissent l’honnête homme. » Mais il est vrai que je ne sais pas trop si l’on pourrait invoquer celles de Toro ; car partout où il y a des terres à labourer, il y a des bœufs. Seulement, tant que l’on