Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lucindo.

Ah ! madame ! je voudrais que vous connussiez à quel point j’ai peu de confiance.

Phénice.

Quoi ! vous êtes Espagnol et vous n’avez pas de confiance en vous !

Lucindo.

Un étranger comme moi ne doit-il pas être constamment en défiance de lui-même ?

Phénice.

Je ne sais, mais plût à Dieu que je ne me fusse pas approchée aujourd’hui de la mer, où je cours risque du naufrage !

Lucindo.

Est-ce que, par hasard, j’aurais eu la gloire insigne de vous agréer ?

Phénice.

J’ignore comment je pourrais vous louer à mon gré sans soulever les ondes qui m’écoutent. — Mais que dis-je !… Je me suis mal exprimée !… En vérité je suis folle !… Éloignez-vous, homme, éloignez-vous !… Jésus ! Jésus ! vous m’avez jeté un charme.

Lucindo.

Qui ! moi, madame ! Quoi ! déjà !

Phénice.

Adieu. Partez, laissez-moi… — Mais non, attendez. Où allez-vous ?

Lucindo.

Je vais à mon hôtellerie.

Phénice.

Si ce n’était à cause de ma famille, noble et généreux Espagnol, je vous aurais donné l’hospitalité dans ma maison, à vous qui vous êtes emparé déjà de mon âme ; mais il vous sera facile de venir me voir, en disant que vous m’apportez des nouvelles de mon frère.

Lucindo.

Vous pensez que cela suffira ?

Phénice.

Suivez-moi.

Lucindo.

Donnez-moi votre main, que je la baise.

Phénice.

Attendez. J’ai à parler à Célia, afin qu’elle soit bien avertie.

Lucindo.

Moi, pendant ce temps, je dirai aussi deux mots à mon valet.

Phénice.

Célia !

Célia.

Madame ?