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cet homme entendu et sage, ce prudent conseiller, ce prévoyant ministre qui préparera durant les années d’abondance les moyens de remédier aux années stériles. — Qu’on apporte sans retard les plus magnifiques habits, et qu’on en revête sa personne : Joseph est d’aujourd’hui le gouverneur de l’Égypte. Qu’on apprête mon char le plus riche, celui dans lequel j’ai coutume de me montrer à mes peuples au jour heureux de ma naissance, et qu’on mène Joseph en triomphe, et que tout le peuple s’humilie devant lui comme devant un autre moi-même. Et quoique son nom soit très-beau, je veux que d’aujourd’hui on le nomme le Sauveur du monde. — Donne-moi ta main, noble Sauveur, afin que je mette à ton doigt mon anneau[1].

Joseph.

Seigneur, tu élèves ta créature… Mais tu es comme le flambeau qui, après avoir communiqué à d’autres sa lumière, n’en conserve pas moins sa première clarté[2]. — Ton esclave est devant toi.

Pharaon, aux assistants.

Que dites-vous ? N’ai-je pas bien fait d’établir pour mon vice-roi le sauveur de mon royaume ?

Assiris.

Tous, seigneur, tous nous lui baisons les pieds.

Élio.

Joseph est digne d’une si haute confiance.

Isacio.

Qu’on sème les lauriers et les fleurs, que l’on en couvre le sol ; car, heureuse Égypte, voici que passe notre vice-roi et notre sauveur.

Musiciens

Semez, semez sur son passage
Les lauriers et les fleurs ;
Car celui qui s’avance
C’est notre vice-roi et notre sauveur.

Joseph.

Toi seul es le sauveur du monde, divin maître du ciel, qui m’as tiré de ma prison et des mains de l’envie pour m’élever au gouvernement de ce royaume !

Musique et fanfares.
  1. Littéralement : « Donne-moi, sauveur, le doigt du cœur, auquel je mets l’anneau de mon sceau. » On appelait le doigt du cœur le doigt du milieu de la main gauche, et on l’appelait ainsi parce qu’on supposait qu’il y avait une veine qui le liait particulièrement au cœur.
  2. Señor, tu hechura levantas,
    Como la luz que encendiendo
    Las demas siempre se quada
    Con la que tuvo primero.