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Le Commandeur.

Voilà un vilain bien éloquent. — Florez, n’oublie pas de faire donner à l’alcade la Politique d’Aristote, afin qu’il achève son éducation.

Estévan.

Seigneur, nous désirons tous vivre tranquilles sous la protection de votre honneur… Songez qu’il y a à Fontovéjune des gens très comme il faut.

Léonel, à part.

On n’a jamais vu tant d’insolence.

Le Commandeur.

Est-ce que j’aurais dit quelque chose qui vous ait fâché, régidor ?

Alonzo.

Oui, vous avez dit quelque chose qui n’est pas bien ; ne le répétez pas. À quoi bon nous ôter l’honneur ?

Le Commandeur.

Et vous aussi vous voulez avoir de l’honneur ! — Les dignes chevaliers de Calatrava !

Alonzo.

Tel a reçu la croix de vous et s’en vante, qui n’est pas d’un sang plus pur que le nôtre.

Le Commandeur.

Et souillerais-je donc ce sang précieux en y mêlant le mien ?

Alonzo.

Le vice a toujours plutôt souillé qu’ennobli.

Le Commandeur.

Quoi qu’il en soit, vos femmes ne s’en trouvent pas déshonorées.

Estévan.

Vos paroles leur font beaucoup d’honneur ; pour les faits, personne ne les croit.

Le Commandeur.

Ennuyeux paysans !… Vivent les villes ! Là rien ne contrarie les goûts et les fantaisies d’un homme de qualité ; là les maris, plus raisonnables, sont fiers des visites que l’on fait à leurs moitiés.

Estévan.

Non pas ! vous dites cela pour nous endormir. Mais dans les villes comme ici, il y a un Dieu, et, plus qu’ici, il y a des hommes puissants pour punir ceux qui font le mal.

Le Commandeur.

Ôtez-vous de là.

Estévan, à Alonzo.

Je parie que c’est à nous deux qu’il parle.

Le Commandeur.

Qu’on sorte à l’instant de la place. Tous ! tous !

Estévan.

Nous allons nous en aller.